Notes ou pas notes au collège?
Et nos très chères notes ?

Dans la réforme 2016 du collège, l’accent est mis sur l’importance d’une évolution de l’évaluation qui devient essentiellement une évaluation par compétences. Les professeurs doivent évaluer leurs élèves sur l’acquisition des compétences requises pour obtenir le socle commun dans un principe d’échelles progressives et descriptives.
D’accord ! Mais est-ce que ça veut dire qu’il n’y aura plus de notes ?
Alors si j’ai bien suivi tous les épisodes, au début oui ! Et puis comme les réfractaires à l’abandon de cette précieuse note, de tous bords, se sont fait entendre pour garder leur « précieux » (à l’image d’un anneau surpuissant pour contrer le mal) et bien nous en sommes au point ou le professeur peut choisir de mettre une note ou non à son évaluation par compétences, ce qui finalement laisse la liberté pédagogique à chacun, et c’est bien !
Point de vue et réflexion : la note, pourquoi ou pourquoi pas ?
Qu’a-t-elle donc fait de mal cette pauvre note pour que l’on veuille s’en débarrasser. Et bien pas grand-chose, en réalité ce n’est pas la note qui est « mauvaise » mais le détournement de son interprétation que nous avons fait de par son utilisation depuis des décennies. J’en veux pour preuve les nombreuses fois où la dérive est constatée et de toutes parts :
De la part des parents :
- première question au contact de leur ado : « tu as eu des notes aujourd’hui ? »
- le non moins célèbre : « Je te préviens si tu ne remonte pas ta moyenne tu n’aura pas ton smartphone à noël »
De la part des élèves :
- Un classique : « Monsieur c’est noté » « non ! » « Ah ouf… »
- Mais encore le déstabilisant : « Mais Monsieur je vais me faire tuer avec cette note ! »
- Ou le frustrant : « Monsieur je ne comprends pas j’ai bossé 3h et vous me mettez une mauvaise note ! »
Et n’épargnons pas les profs :
- « On peut peut-être lui mettre les encouragements, il a quand même 12 de moyenne générale » au conseil de classe.
- Ou en remplissant les bulletins : « Je vais lui mettre quoi à lui ? Bah Bien, il a 14 ! »
Je vous imagine tous sourire, vous retrouvant selon votre statut avoir récemment prononcé ou entendu ces phrases…
Alors quel est le problème dans tout cela ?
Le problème est que la note était un outil d’évaluation qui devait permettre à l’élève (et ses parents) de se situer par rapport à ses apprentissages quels qu’ils soient, de manière personnelle et ponctuelle. Mais pour comprendre cet outil et qu’il soit utile, il faut se pencher sur son contenu et ne pas rester sur le constat simple et réducteur du résultat chiffré. Chose que nous ne faisons plus avec le temps. En effet, combien de parents ou d’élèves, à l’annonce angoissée d’une mauvaise note, vont relire la copie pour comprendre ce qui a été concrètement évalué et pourquoi cela n’a pas été ? Et nous, professeurs de nos états, savons nous vraiment ce que nous mettons derrière chaque note sur 20 qui plus est parce que c’est la norme ? Il en devient presque ridicule alors d’aborder la fameuse moyenne générale, moyenne de moyennes, couperet ultime de la réussite scolaire ou non ! En exagérant que peu, on y regrouperait dans le même sac d’élèves moyens deux élèves ayant 10 de moyenne général, l’un avec 6 et 14… et l’autre avec 10 partout…
Imaginons-nous chez un confiseur, à remplir un sac de bonbons aux gouts différents. A la dégustation au hasard, certains nous semblent délicieux et d’autres moins bons. Allons-nous, pour juger de la qualité des bonbons mélanger toutes les saveurs pour voir quel gout cela donne ? C’est ce que nous faisons avec les notes !
Je discutais, il y a quelques jours, à la sortie du collège avec une ancienne élève qui me disait, pour ma plus grande joie, « monsieur, quand j’étais au collège j’avais des mauvaises notes hein, et bien vous savez maintenant en première pro, j’ai 17 de moyenne ! » Et je m’en suis réjoui avec elle. Mais finalement, la comparaison de ces notes était totalement insensée, elle n’était plus du tout évaluée sur les même compétences et/ou connaissances ! Elle avait trouvé sa voie, et je m’en réjoui encore et était compétente dans cette voie !
Le constat de la mauvaise utilisation de la note étant fait, que faire ?
Abandonner la note ! Abandonner complètement ce repère faussé et usé par le temps !
Bien sûr, je l’entends et j’y pense parfois au « mais on ne va plus avoir nos repère ! ». Parents, élèves, professeurs vont se trouver orphelin de leur outil encré dans les pratiques et les esprits. Un élève me disait la semaine dernière : « comment vais-je savoir ce que je vaux ? ». Il avait justement résumé ce qu’est trop souvent devenu la note, un jugement de valeur des élèves. L’élève qui a 4/20 est nul et celui qui a 18/20 est très bon ! ET quand on a 10, c’est bien on a la moyenne !
Alors en portant un regard plus constructif, une évaluation bienveillante, on doit analyser le contenu de cette évaluation, l’élève qui a 4 connait ou sait faire quelque chose, une compétence sur les quelques unes testées, et il lui faut progresser dans les autres. Pour l’élève qui a 18, il maîtrise la majorité des compétences mais peut encore progresser dans l’une d’entre elles. Avec l’évaluation par compétence on valorise les élèves en difficultés et on pousse les élèves plus à l’aise. A défaut de savoir ce qu’il vaut, l’élève saura ce qu’il sait faire, et dans quelles compétences il lui reste à progresser.
D’accord les compétences c’est bien, mais on pourrait quand même garder la note ?
Nous n’allons pas si facilement se défaire de la note si bien encrée dans notre société, nous pourrions convertir les compétences en note, juste pour savoir, pour garder nos repères. Allez, soyons honnête ! Qui des parents, des élèves ou même des profs regarderont réellement les compétences ? Nous retomberons dans la dérive du nombre, et finirons par perdre de nouveau sa signification.
Pour ma part la battle est entièrement remporté par l’évaluation par compétences sans note, pour son intérêt pédagogique et pour le sens qu’elle redonne à l’évaluation. J’abandonne cruellement et sans regrets les notes, tout en les remerciant pour ces nombreuses années de services rendus, malgré la difficulté et la masse de travail que représente ce passage à une évaluation par compétences plus précise, plus concrète et surtout utile.
Pour autan, je serai ravi d’écouter ici vos avis sur le sujet.
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